Environnement - L'Homme et la nature
Environnement - L'Homme et la nature
Le libanais : l’ennemi numéro un de son environnement
Face aux crises multiples, le Liban se confronte à un défi environnemental majeur. Une table ronde à l'USJ explore les liens complexes entre le Libanais et son environnement, soulignant l'urgence d'une conscience et d'une action responsables.
Le Liban, meurtri par une crise multidimensionnelle sans précédent, se retrouve aujourd'hui confronté à un défi environnemental de taille. En proie à des difficultés économiques, politiques et sociales, le pays voit son environnement se dégrader à un rythme alarmant. Pollution, déforestation, dégradation des sols et raréfaction des ressources naturelles ne sont que quelques-uns des symptômes d'un mal profond qui menace l'avenir du pays et de ses habitants.
C'est dans ce contexte préoccupant que la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l'Université Saint Joseph de Beyrouth (USJ) a organisé une table ronde intitulée "Écrire les espaces au Liban". L'objectif de cette rencontre était d'explorer les liens complexes entre le Libanais et son environnement, à travers le prisme de la géographie, de la philosophie et de la littérature.
Un rapport marqué par l'amnésie collective et le paradoxe
Pamela Krause, cheffe du département de philosophie à l'USJ, a d'emblée mis en lumière l'amnésie collective qui gangrène la société libanaise et alimente l'écocide en cours. Se référant aux "Essais" de Michel Collot (2022), elle rappelle le lien intrinsèque entre l'être humain, la mémoire collective et la nature. Cette amnésie est savamment entretenue par l'Etat libanais, selon Jocelyne Gérard, directrice du Centre de Recherche en Environnement Espace Méditerranée Orientale (CREEMO). La reconstruction déconnectée de l'histoire de Beyrouth, l'absence d'identité des rues et la destruction systématique des espaces verts en sont des exemples flagrants.
Un paradoxe libanais se dessine alors : une fierté viscérale de sa nature et un attachement profond à la ville, en dépit de ses méfaits environnementaux. L'air pollué affecte la santé de la population, mais 74% des Libanais ne semblent pas disposés à changer leurs habitudes. La notion de "responsabilité gouvernementale" masque un manque criant de considération pour le bien commun. Face à l'urgence climatique, les campagnes de sensibilisation semblent peu efficaces, l'habitant lambda se focalisant sur des problèmes à court terme, reléguant l'environnement au second plan.
L'écopoétique : une voix littéraire pour explorer la relation à la nature
Stéphane Baquey, maître de conférences à Aix-Marseille Université, a présenté l'écopoétique, une branche de la littérature qui s'intéresse au rapport entre l'homme et la nature. Le Liban, marqué par les crises et la guerre, offre un terrain fertile pour l'exploration de cette thématique à travers l'écopoétique. Les écrits de figures littéraires telles que Amin Maalouf, Vénus Khoury-Ghata et Charif Majdalani illustrent les différentes dimensions de cette relation complexe.
L'écopoétique permet de décrypter les symptômes du changement climatique qui ravagent le pays, tels que la canicule, les déchets omniprésents et la déforestation galopante. Elle met en lumière la notion d'hyperlieu, où le local se connecte au global grâce aux technologies. La littérature, à travers la poésie française et arabe, peut sensibiliser les jeunes générations à l'urgence environnementale de manière plus efficace que les campagnes gouvernementales souvent stériles.
Un rôle crucial pour les sciences humaines
Les experts ont mis en lumière le rôle crucial des sciences humaines dans la compréhension de la relation complexe entre le Libanais et son environnement. La philosophie, la géographie et la littérature offrent des outils précieux pour analyser les paradoxes, les symptômes et les solutions possibles face aux défis environnementaux du pays.
La philosophie écologique permet de réfléchir sur le comportement face à l'écocide et de proposer des solutions inspirées de la pensée occidentale. La géographie environnementale fournit des données concrètes et objectives sur la situation environnementale au Liban. La littérature, à travers l'écopoétique, explore les liens profonds entre l'homme et la nature et incite à l'action.
En conclusion, la table ronde a souligné la nécessité d'une approche multidisciplinaire pour appréhender la complexité de la relation entre le Libanais et son environnement. Les sciences humaines, en collaboration avec les scientifiques et les dirigeants, peuvent jouer un rôle crucial dans la construction d'un avenir plus durable pour le Liban. Il est impératif de dépasser l'amnésie collective et de développer une conscience environnementale responsable pour relever les défis du changement climatique et de la préservation des ressources naturelles.