Biologie | Santé - Cuisine saine
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Airfryer : la cuisson à air chaud sous l’œil de la science
Longtemps présentées comme une alternative saine à la friture classique, les friteuses à air séduisent les amateurs de croustillant sans huile. Mais une récente étude turque, publiée dans Frontiers in Nutrition, remet en question cette image trop parfaite : sous certaines conditions, ces appareils pourraient produire plus d’acrylamide, un composé soupçonné d’être cancérigène.
Ils ont envahi nos cuisines avec la promesse d’une friture légère, sans odeur et sans culpabilité. Les Airfryer, ou friteuses à air chaud, sont devenues en quelques années les stars de la cuisson « saine ». Mais derrière leur apparente innocuité, la science commence à soulever quelques doutes. Une série d’études, dont la plus récente publiée début 2024 dans la revue Frontiers in Nutrition, alerte sur la formation de substances potentiellement cancérigènes lors de leur utilisation.
Un composé suspecté de cancérogénicité : l’acrylamide
L’étude turque menée par l’université de Gazi (Ankara) a comparé trois modes de cuisson des pommes de terre : à la friteuse classique, au four et au Airfryer. Les résultats sont clairs : la cuisson à air chaud produit les taux les plus élevés d’acrylamide environ 12,19 microgrammes par kilogramme, contre 8,94 µg/kg pour la friture traditionnelle et 7,43 µg/kg pour le four.
Cette molécule, classée comme « probablement cancérigène pour l’humain » (groupe 2A) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 1994, est issue d’une réaction chimique bien connue : la réaction de Maillard. C’est elle qui donne aux frites et aux biscuits leur belle couleur dorée… mais aussi leur potentiel danger.
Lorsqu’on chauffe des aliments riches en amidon (pommes de terre, pain, café, biscuits) à haute température souvent au-delà de 120 °C, des sucres et des acides aminés interagissent pour produire cette coloration appétissante, tout en générant de l’acrylamide.
Un risque réel, mais modulable
Faut-il pour autant bannir les Airfryer ? Pas nécessairement. Les chercheurs notent que les différences de concentration ne sont pas « statistiquement significatives » entre les différents modes de cuisson. En revanche, certaines habitudes peuvent limiter la formation d’acrylamide :
• Laver soigneusement les pommes de terre avant cuisson permet de réduire la teneur en amidon et donc la quantité d’acrylamide formée.
• Éviter les cuissons trop prolongées et préférer une couleur dorée plutôt que brun foncé.
• Ne pas stocker les pommes de terre au réfrigérateur, ce qui augmente leur taux de sucre et favorise la formation du composé toxique.
Ces conseils simples peuvent réduire sensiblement les risques, quelle que soit la méthode de cuisson utilisée.
Des polluants invisibles dans le revêtement ?
Autre sujet d’inquiétude : les matériaux utilisés dans les friteuses à air chaud. Certaines vidéos virales sur TikTok ont dénoncé la présence de PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), de PFOA ou encore de bisphénol A (BPA) des composés chimiques utilisés pour leurs propriétés antiadhésives et résistantes à la chaleur.
Le PFOA est aujourd’hui classé « cancérogène pour l’humain », tandis que le PFOS est jugé « peut-être cancérogène » par le CIRC. Quant au BPA, reconnu perturbateur endocrinien depuis 2017, il peut altérer la fertilité et le développement hormonal.
Cependant, le professeur Xavier Coumoul, toxicologue à l’Université Paris Cité, nuance : « Aucun élément n’indique que la cuisson au Airfryer serait plus risquée que celle au four ou à la poêle. Pour que des particules toxiques se détachent du revêtement, il faudrait atteindre environ 300 °C, alors que la plupart des Airfryer ne dépassent pas 220 °C. »
Les appareils récents, précise-t-il, respectent les normes européennes en vigueur et affichent souvent les mentions « sans PFAS » ou « sans BPA ».
Un appareil sûr… à certaines conditions
Si les Airfryer ne sont pas à proscrire, leur utilisation demande quelques précautions :
• Choisir un modèle de qualité, certifié sans PFAS/BPA, idéalement avec un panier en acier inoxydable ou en céramique.
• Ne pas surcharger le panier, pour éviter une mauvaise circulation de l’air et une cuisson inégale.
• Nettoyer régulièrement l’appareil afin d’éviter l’accumulation de résidus alimentaires, sources potentielles de surchauffe ou de contamination.
• Éviter les ustensiles métalliques qui pourraient abîmer le revêtement antiadhésif.
Entre gain de temps et illusion de santé
L’intérêt principal des friteuses sans huile reste leur réduction de la consommation de graisses, un atout dans la lutte contre l’obésité et les maladies cardiovasculaires. Pourtant, le Airfryer ne transforme pas un plat gras en repas diététique. Comme le rappelle le Réseau NACRe (Nutrition Activité Physique Cancer Recherche), la qualité nutritionnelle d’un repas dépend avant tout de la nature des aliments, pas uniquement de leur mode de cuisson.
Ainsi, des légumes grillés à l’Airfryer restent sains… mais des frites surgelées ultra-transformées le seront beaucoup moins, même “sans huile”.
Un outil à manier avec discernement
Les Airfryer ne sont pas des bombes à retardement, mais leur image d’appareil « miracle » mérite d’être nuancée. Oui, ils permettent de réduire la consommation de graisses. Non, ils ne sont pas exempts de tout risque chimique.
Comme souvent en nutrition, tout est question d’équilibre : varier les modes de cuisson, préférer des produits bruts, surveiller les températures, et surtout, éviter la surcuisson. L’obsession du « tout croustillant » pourrait bien, à long terme, griller plus que nos aliments.