COP 30 - Emissions Carbone
COP 30 - Emissions Carbone
Crédits : Alex Ferro/COP30
La contre-offensive mondiale contre les énergies fossiles et le luxe climatique
À Belém, au cœur de l’Amazonie, la COP30 s’ouvre sur un constat scientifique sans appel : le monde n’est plus sur la trajectoire des +1,5°C. Face à cet échec collectif, les États cherchent de nouvelles voies, entre taxation des vols de luxe, réduction du méthane et sortie progressive du pétrole. Une transition désormais dictée par les chiffres, plus que par les discours.
Les données du Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE) et du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) confirment que la décennie 2014-2024 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis le début des relevés.
Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la température moyenne de la planète a atteint +1,48°C par rapport à l’ère préindustrielle, frôlant la limite haute de l’Accord de Paris.
Les concentrations atmosphériques de CO₂ ont dépassé 421 ppm en 2024 un record depuis au moins 3 millions d’années.
Dans le même temps, les subventions mondiales aux énergies fossiles ont atteint 7 000 milliards de dollars selon le Fonds monétaire international, soit environ 7 % du PIB mondial.
Ces données expliquent la tonalité alarmiste de la COP30 : plus qu’un sommet de négociation, elle devient un moment d’ajustement à la réalité physique du climat.
Les vols haut de gamme, nouvel angle d’attaque du climat
Face à l’inertie politique, certains pays s’attaquent à un symbole : le transport aérien de luxe, parmi les secteurs les plus carbonés par passager.
Selon une analyse de l’ONG Transport & Environment (2023) :
• un vol en classe affaires émet en moyenne 2,6 fois plus de CO₂ par passager qu’en classe économique ;
• un vol en première classe : 3,2 fois plus ;
• un jet privé : jusqu’à 14 fois plus.
Ces chiffres sont liés à la surface occupée par siège, au poids accru des aménagements et au faible taux de remplissage des cabines premium.
Pour corriger cette inégalité climatique, une coalition menée par la France, le Kenya, la Barbade et l’Espagne propose d’instaurer une taxe mondiale sur les classes premium et les jets privés.
Les revenus attendus estimés entre 10 et 15 milliards de dollars par an si 30 pays y adhèrent seraient redirigés vers les fonds d’adaptation climatique des pays les plus vulnérables.
Les Maldives, pionnières de cette approche, imposent déjà 240 dollars de taxe par passager en première classe et 480 dollars pour un jet privé. Leur exemple prouve que le tourisme haut de gamme reste peu sensible à la hausse des prix, un argument souvent avancé par les économistes du climat pour justifier ce levier fiscal.
Le président Lula a inauguré le Sommet climatique de Belém, appelant les pays à investir dans la transition énergétique et la protection des forêts.
Crédits : Rafa Neddermeyer/COP30 Brazil Amazon/PR
L’économie du carbone : qui pollue, paie
Le secteur aérien représente aujourd’hui 2,5 % des émissions mondiales de CO₂, mais il est en forte croissance : +25 % prévus d’ici 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Or, 1 % des voyageurs mondiaux sont responsables de près de 50 % des émissions de l’aviation, selon une étude de Stefan Gössling (Lund University, 2021). Cette asymétrie nourrit la réflexion sur la justice climatique : faire contribuer davantage les grands émetteurs individuels, plutôt que d’imposer des contraintes uniformes à tous.
“Nous avons besoin de financements innovants et justes”, a résumé Emmanuel Macron lors du sommet préparatoire à la COP30. “Il est normal que ceux qui polluent le plus participent davantage à la transition.”
Fossiles : l’impossible divorce
Mais la bataille principale reste celle des énergies fossiles, responsables de plus de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Malgré les engagements pris à Dubaï lors de la COP28, la production mondiale de pétrole et de gaz continue d’augmenter : +3 % en 2023 selon l’AIE, avec une projection de +6 millions de barils/jour supplémentaires d’ici 2030 si les politiques actuelles persistent. Le Brésil, hôte de la COP30, illustre cette tension : 8e producteur mondial de pétrole, il vient d’autoriser l’exploration offshore au large de l’Amazonie, tout en promettant d’affecter une partie des revenus pétroliers à la transition énergétique. Une approche qualifiée de “transition ordonnée” par Lula da Silva, pour éviter un choc économique dans les pays émergents. Mais la science est catégorique : selon le GIEC (AR6, 2023), aucune nouvelle infrastructure fossile ne peut être mise en service si l’on veut rester sous 1,5°C. À ce jour, les projets d’extraction en cours dépassent déjà de 67 % le “budget carbone” compatible avec cet objectif.
Dix ans après l’Accord de Paris : Contributions déterminées au niveau national (CDN) et financement.
Crédits : COP30
Méthane, forêts et signaux faibles de la transition
Dans un contexte d’absence de consensus global, la COP30 mise sur les engagements volontaires. Plusieurs pays, dont le Brésil, la Norvège et la France, ont annoncé la création du Tropical Forests Finance Facility (TFFF), un fonds pour protéger les forêts tropicales, puits naturels de carbone capables d’absorber jusqu’à 2 milliards de tonnes de CO₂ par an. Parallèlement, des initiatives ciblent le méthane (CH₄), responsable à lui seul de 30 % du réchauffement global actuel. Sa durée de vie atmosphérique courte (environ 12 ans) en fait une cible privilégiée pour des réductions rapides d’effet de serre. Une baisse de 30 % des émissions mondiales de méthane d’ici 2030 permettrait, selon le Programme Climat et Air Propre (CCAC), de gagner 0,2°C sur la trajectoire mondiale de température.
La transition par les chiffres
Les indicateurs climatiques ne mentent pas, pour respecter 1,5°C, les émissions mondiales doivent chuter de 45 % d’ici 2030. À ce jour, elles continuent d’augmenter de 1,1 % par an. Les investissements dans les fossiles (pétrole, gaz, charbon) restent trois fois supérieurs à ceux dans les énergies renouvelables. Ainsi, la “feuille de route” de Lula pour une sortie “juste et ordonnée” des énergies fossiles ne relève pas de l’idéologie, mais de la nécessité thermodynamique : le budget carbone mondial fond au rythme de 40 milliards de tonnes de CO₂ par an.
Réservoir de diesel R à la raffinerie Presidente Bernardes (RPBC) de Cubatão, à São Paulo.
Crédits : Ricardo Frosini/Agência Petrobras
Vers un nouvel équilibre climatique
La COP30 ne produira sans doute pas de texte contraignant, mais elle aura confirmé une dynamique : la pression scientifique devient politique. Taxation ciblée, limitation du méthane, fonds pour les forêts tropicales autant de signaux d’un monde qui, faute de révolution, choisit l’ajustement graduel par la donnée. Le climat, lui, n’attend plus. Selon le GIEC, chaque dixième de degré supplémentaire pourrait exposer 170 millions de personnes supplémentaires à des vagues de chaleur extrêmes d’ici 2050. À Belém, la science n’est plus en marge des négociations. Elle en est le métronome.