COP 30 - Déforestation
COP 30 - Déforestation
Le site principal de la COP30 à Belém, au cœur de l’Amazonie brésilienne.
Crédits : Sergio Moraes/COP30
COP30 à Belém : couper la forêt Amazonienne pour la sauver
Dix ans après l’Accord de Paris, la communauté internationale se retrouve au cœur de l’Amazonie pour la 30ᵉ Conférence des Parties (COP30). Entre espoirs et contradictions, ce sommet, organisé à Belém du 10 au 21 novembre, tente de ranimer une coopération climatique fragilisée. Mais derrière les discours, les tensions Nord-Sud et les paradoxes brésiliens rappellent à quel point la bataille du climat reste inachevée.
Le décor semble tout droit sorti d’un manifeste écologique : une ville aux portes de la plus grande forêt tropicale du monde, où la nature respire encore, malgré les cicatrices laissées par les tronçonneuses. Pourtant, l’ironie est mordante : pour accueillir les quelque 50 000 délégués de la COP30, le Brésil a dû raser
5 796 km² de forêt. Un paradoxe à l’image du climat mondial : on détruit pour sauver, on parle de nature au milieu du béton.
Un héritage lourd : la COP29 et ses promesses inachevées
L’an dernier, à Bakou, la COP29 avait sonné l’alarme. Trois urgences dominaient les débats : la biodiversité, le bâtiment, et la décarbonation.
Les délégués avaient rappelé une vérité désormais indéniable : le climat, les écosystèmes et le développement durable sont indissociables.
Mais malgré les discours, la biodiversité continue de s’effondrer. Les forêts, poumons de la planète, absorbent encore 30 % du CO₂ mondial, mais sont rongées par la déforestation illégale et le manque de financements.
La mise en place d’un cadre pour les marchés carbone à Bakou devait marquer un tournant. Mais ce nouvel outil, censé réguler les crédits d’émission, reste fragile, miné par les risques de greenwashing (communication trompeuse sur écologie réelle) et les inégalités entre Nord et Sud.
Le secteur du bâtiment, responsable de près de 40 % des émissions, avait lui aussi été ciblé. On rêvait alors de “biocités” où béton et chlorophylle cohabiteraient harmonieusement. Un an plus tard, le rêve reste lointain.
Les Parties ont chargé les présidences de la COP29 et de la COP30 de présenter ce rapport.
Crédits : Rafa Neddermeyer/COP30
Belém : un sommet au cœur de la forêt
C’est donc dans ce contexte d’urgence et de désillusion que s’ouvre la COP30 à Belém. Premier sommet de l’histoire organisé en pleine Amazonie, il se veut le symbole d’un retour à la source. Mais la logistique titube : infrastructures saturées, délégués logés sur des navires de croisière, chantiers encore ouverts à la veille du sommet.
Un défi à la mesure du Brésil, qui entend replacer les forêts tropicales au centre de l’action climatique mondiale. Le président Luiz Inácio Lula da Silva, hôte de cette conférence, a donné le ton :
« Assez parlé. Il est temps de faire ce que nous avons déjà promis au monde. »
Son ambition ? Créer une Facilité de financement des forêts tropicales (TFFF), dotée de 125 milliards de dollars, pour rémunérer les pays qui protègent leurs forêts. Mais les promesses restent timides. Les pays du Nord hésitent à s’engager, échaudés par les échecs précédents et leurs propres crises économiques.
Les deux navires ont accosté dans la capitale du Pará dans la matinée du mardi 4 novembre. Les invités pourront s’enregistrer à partir de demain.
Crédits : Gabriel Della Giustina | COP30
Le nerf de la guerre : financer la transition
Les discussions s’annoncent houleuses. La COP29 avait promis 300 milliards de dollars par an d’ici 2035. Un chiffre que les pays du Sud jugent dérisoire ils réclament au moins quatre fois plus. Derrière les chiffres, une fracture : « Ce n’est pas de la charité. Nous avons besoin de financements climatiques pour survivre », rappellent plusieurs diplomates africains et latino-américains.
L’ONU, elle, avertit : les plans d’action climatique actuellement sur la table ne permettraient de réduire que 10 % des émissions mondiales d’ici 2035, loin, très loin, des objectifs de l’Accord de Paris.
La Pré-COP, qui a réuni à Brasília des représentants de plus de 70 pays, a laissé un message clair : la COP30 de Belém doit être la COP de la Vérité.
Crédits : Rafa Neddermeyer/COP30
Entre ambitions et contradictions
Le Brésil joue une carte diplomatique risquée. En accueillant ce sommet historique, Lula veut redorer son image internationale. Mais la réalité nationale le rattrape : la déforestation amazonienne a atteint un record en 2024. Et si Belém se veut la vitrine d’une planète verte, les embouteillages, les zones rasées et les infrastructures précaires renvoient une image inverse.
Plus inquiétant encore : l’absence des États-Unis, deuxième pollueur mondial. Sous l’administration Trump, Washington a préféré se retirer du processus multilatéral, laissant un vide que ni la Chine ni l’Union européenne, en crise interne, ne semblent prêtes à combler.
Une COP de la dernière chance ?
Dans cette ambiance tendue, la COP30 pourrait être le sommet du sursaut… ou celui du renoncement.
Les négociateurs devront répondre à trois impératifs :
• Stopper la déforestation avant 2030.
• Réduire massivement les émissions fossiles.
• Restaurer la confiance entre les nations.
L’Amazonie, sanctuaire du vivant, sera le baromètre de cette ambition.
Car si la plus grande forêt tropicale du monde meurt, c’est l’équilibre climatique planétaire qui bascule.
Belém, avec ses contrastes saisissants, incarne à la fois l’urgence et la complexité de notre époque.
Ici, le futur de la planète se joue entre le vert de la forêt et le gris du béton.
Entre les promesses des puissants et la patience des peuples.
Entre ce que nous disons… et ce que nous faisons.
Et si la COP30 n’est pas la conférence du sursaut, elle pourrait bien être celle du constat : celui d’un monde qui a su comprendre l’urgence climatique, sans jamais réussir à la traduire en actes.