Environnement - COP 29
Environnement - COP 29
Les négociations à la COP 29 sont de plus en plus houleuse alors que la fin du 29ème sommet du climat à Baku arrive.
Photo Edward SFEIR
COP29 à Bakou : un accord à 300 milliards qui laisse un goût amer
Après deux semaines de tensions, la COP29 accouche d’un compromis fragile : un financement minimal à 300 milliards de dollars, loin des attentes du Sud global, qui repart meurtri et sceptique face aux promesses des grandes puissances.
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Après deux semaines de négociations tendues, d’interruptions de séance et de nuits blanches dans un stade de Bakou transformé en salle de crise, la COP29 s’est achevée sur un accord historique… mais très contesté. Près de 200 pays ont approuvé, dans les premières heures de dimanche, un compromis qui prévoit au moins 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour aider les pays vulnérables à affronter le changement climatique.
Un chiffre record, salué comme « le début d’une nouvelle ère pour la finance climatique » par le commissaire européen Wopke Hoekstra. Mais pour beaucoup de nations du Sud, il s’agit d’un accord « insultant », « abysmally poor », bien en dessous des besoins réels.
Une des salles où se tiennent les réunions et débats de la COP29 à Baku.
Photo Edward SFEIR
Un sommet marqué par les tensions et les ruptures
La conférence avait mal commencé. Découragés par l’absence de progrès, les représentants des petits États insulaires et du groupe des pays les moins avancés ont quitté une session de négociation en signe de protestation. Leur message : leurs priorités adaptation, pertes et dommages, et financements prévisibles ne figuraient tout simplement pas au cœur des discussions.
« Nous ne nous sommes pas sentis entendus », a résumé Cédric Schuster, président samoan de l’Alliance of Small Island States.
Le président de la COP29, Mukhtar Babayev, a appelé à plusieurs reprises à « combler les divisions », mais le fossé entre pays riches et pays vulnérables s’est plutôt élargi au fil des jours.
300 milliards… “au moins”
Le texte final impose aux nations historiquement émettrices – États-Unis, Union européenne, Japon, Canada – de fournir au moins 300 milliards de dollars par an, soit trois fois l’engagement actuel de 100 milliards.
Deux points majeurs ont crispé les débats :
L’ajout tardif de « au moins », qui ouvre la porte à des contributions plus élevées mais sans les garantir.
Le maintien du statut « volontaire » pour les grands émergents comme la Chine ou l’Arabie Saoudite.
Pour les pays développés, c’était la seule formule politiquement tenable. Pour beaucoup de pays du Sud, c’est une échappatoire.
L’Inde a d’ailleurs rejeté directement l’accord, le qualifiant « d’illusion » incapable de répondre à la crise climatique mondiale. Le bloc africain a jugé le résultat « trop peu, trop tard », tandis que le groupe des 45 pays les moins avancés a dénoncé une ambition « nettement insuffisante ».
Une “nouvelle ère” ou une nouvelle fracture ?
L’Union européenne s’est montrée enthousiaste, parlant d’un tournant. Mais le contraste avec les réactions des pays vulnérables est saisissant.
Pour Mohamed Adow, directeur du think tank Power Shift Africa,
« Cette COP a été un désastre pour le monde en développement. C’est une trahison des peuples et de la planète. »
Le climat politique mondial a pesé lourd : la perspective du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la montée des droites anti-climat en Europe, et les tensions géopolitiques ont limité la marge de manœuvre des pays riches.
Le texte évoque un objectif global de 1,3 trillion de dollars par an, en incluant massivement des financements privés. Mais sans mécanismes précis de mobilisation, cet objectif reste théorique.
La biodiversité à l'honneur sur la table des débats de la COP 29
Photo Edward SFEIR
Une victoire pour les marchés carbone, malgré les inquiétudes
La COP29 a adopté un cadre clé attendu depuis des années : la mise en œuvre de l’Article 6 de l’Accord de Paris, autorisant les pays à acheter des crédits carbone générés dans d’autres États.
Un système présenté comme un moyen de financer des projets verts dans les pays du Sud.
Mais les ONG tirent la sonnette d’alarme.
Selon Greenpeace :
« Ce sont des marchés carbone pleins de failles, sans garanties d’intégrité. »
Les experts pointent trois risques majeurs :
Greenwashing : les pays riches pourraient acheter des crédits au lieu de réduire réellement leurs émissions.
Transparence insuffisante, comme l’a déjà montré le cas de la Suisse.
Incitation à sous-déclarer les ambitions nationales, pour générer davantage de crédits exportables.
Le système pourrait ainsi devenir un contournement des objectifs climatiques plutôt qu’un accélérateur. La COP28 à Dubaï avait marqué un tournant en appelant clairement à « transitionner hors des énergies fossiles ».
À Bakou, pays producteur de pétrole et de gaz, toute référence directe à cette sortie a disparu du texte final. Une omission qui a irrité plusieurs pays européens et les petites îles.
Entre avancée technique et déception politique
Pour l’ONU, le bilan est mitigé. Le secrétaire exécutif Simon Stiell a salué « un travail difficile accompli », mais prévenu :
« Ce n’est pas le moment pour les tours d’honneur. Nous quittons Bakou avec une montagne de travail. »
Le monde repart donc avec :
Une promesse minimale de 300 milliards / an
Un cadre opérationnel pour les marchés carbone
Aucun progrès réel sur la sortie des énergies fossiles
Un fossé Nord-Sud toujours béant
Une confiance affaiblie dans la gouvernance climatique
Au final, la COP29 laisse l’impression d’une conférence qui a voulu sauver un accord plus que sauver le climat et qui pose déjà les jalons d’un prochain rendez-vous décisif, à COP30 au Brésil, où la pression sera immense pour regagner la confiance d’un Sud global qui se sent de plus en plus oublié.